Santé et interêt général

Observatoire sociétal Viavoice – FHP – France Info – La Croix – Le Point : Nouvelles fractures françaises et système de santé

Les Français veulent défendre les acteurs de santé, jugés protecteurs et défenseurs del’intérêt général dans un monde instable

Les Français sont nombreux à éprouver une fatigue morale, notamment face à une France qui ne remplit pas sa promesse d’un niveau de vie meilleur au fil des années. Face à ce sentiment de déclassement, les Français dans leur globalité expriment un besoin de collectif, de fraternité, passant notamment par la préservation du système de santé, bastion contribuant à atténuer les marqueurs sociaux en permettant à chacun de se soigner dignement.
Cette préservation du système de santé passe, pour les Français, par des professionnels de santé mieux préservés, ainsi que par davantage de moyens financiers pour maintenir le système en état de marche.
Les acteurs de santé, champions de la confiance

L’un des points notables de notre Observatoire sociétal 2019 est l’accroissement d’une confiance, déjà très haute en 2018, envers les acteurs de santé.

Malgré l’émergence du « nouveau monde », la crise de la représentativité est toujours bien présente. Les acteurs de proximité sont plébiscités (car considéré comme ayant une fine connaissance des enjeux du quotidien). Ils sont vus comme étant des « protecteurs », dépositaires de l’intérêt général. Ainsi, la cote de confiance se révèle particulièrement élevée pour les professionnels de santé (91 %), les hôpitaux et cliniques privés (83 %), les hôpitaux publics (82 %), la gendarmerie (81 %), et l’armée (80 %). Dans un contexte de défiance généralisée, les professionnels et les établissements de santé occupent les premières places de la confiance.

Mais, en bas de l’échelle, se trouvent l’ensemble des corps intermédiaires qui semblent encore jugés trop éloignés des réalités du quotidien. La cote de confiance des syndicats à 30 %, celle des médias à 23 %, celles des partis politiques est à 8%. La fracture se joue entre acteurs qui semblent porter l’intérêt général et ceux qui leur semblent davantage préoccupés par leurs intérêts particuliers.

Un sentiment global de déclassement, un esprit public totalement désenchanté

Un Français sur deux s’estime « heureux » en ce moment au sein de la société française (53 %) et globalement, les Français se sentent bien intégrés dans la société (82 %). Toutefois, 15 % d’entre eux se sentent mal intégrés, dont les personnes sans emploi, et plus notablement une partie des jeunes actifs entre 25 et 49 ans. Ces derniers ont d’ailleurs l’impression de faire partie davantage des catégories modestes et des catégories déshéritées, plutôt que des catégories aisées.

D’ailleurs, une majorité de Français estime appartenir à la classe moyenne inférieure (43 %), puis aux catégories modestes (28 %). Seuls 2 % des Français estiment faire partie des « catégories aisées ». Au-delà du bonheur personnel, du sentiment d’avoir trouvé au plan individuel sa place dans la société, subsiste donc le sentiment de ne pas pouvoir progresser. Ce qui fait écho au contexte social de ces derniers mois. 49 % des Français se sentent d’ailleurs « solidaires » du mouvement des Gilets Jaunes, sans pour autant de participation active.

Une perception que l’on retrouve dans le choix des mots qui définissent le mieux l’état d’esprit personnel et actuel des Français dans la société. Ce sont en premier lieu des sentiments négatifs mêlant colère et tristesse qui émergent : « désillusion » (41 %), « lassitude » (37 %), « fatigue morale » (36 %), « indignation » (33 %), « colère » (32 %) et « révolte » (28 %). Ces deux derniers sentiments, « colère » et « révolte » touchent plutôt les retraités (65 ans et plus), alors que les plus jeunes sont davantage désillusionnés.

Les sentiments de combativité (17 %) arrivent en seconde intention, avec « l’optimisme » (14 %), la « motivation » (12 %), à égalité toutefois avec « l’indifférence » (12 %). Quant aux sentiments positifs de joie et d’apaisement, ils apparaissent au dernier rang, avec « l’enthousiasme » (7 %), « l’épanouissement » (6 %), et la « joie » (6 %). Une majorité de Français considèrent également qu’à l’avenir, leur situation personnelle va se détériorer (45 % ). Dans un tel contexte, les refuges protecteurs tels que la santé et le collectif porteur d’intérêt général, bénéficient d’une grande confiance.

La considération du collectif, première aspiration française

Les Français s’accordent pour considérer que l’état des relations sociales dans notre pays se dégrade, sur le registre du collectif (68 %) comme sur le plan interpersonnel (55 %). Pour 5 % seulement, elles s’améliorent àl’échelle du collectif et pour 7 % elles s’améliorent sur le plan interpersonnel…

En résonance, ils expriment le besoin de « collectif » par opposition à des valeurs plus « individuelles ».

Ainsi, les valeurs plébiscitées en priorité pour l’avenir par les Français sont : le « respect entre les gens » (47 %), le « respect de l’environnement » (36 %), la « protection et la sécurité » (33 %), la « famille » (31 %), la « justice sociale » (29 %) et la « solidarité » (23 %).
Des valeurs plus personnelles telles que la quête de « liberté » (18 %) ou « d’égalité » (19 %), « l’indépendance » (8 %), la « liberté des mœurs » (4 %), et la « prise de risque » (3 %), bénéficient nettement moins d’adhésion, a fortiori dans un environnement économique et social qui apparaît déjà incertain.

Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant de voir se dessiner une crainte de fragilisation du système social, plus particulièrement du secteur de la santé.

Certes, les Français sont pour l’heure satisfaits de l’offre de soins : 72 % s’estiment bien informés sur l’offre de santé (médecins, hôpitaux et cliniques) et une majorité (66 %) estime ne pas être dans un territoire « délaissé » en matière d’offre de soins.
Mais 73 % des Français se déclarent « pessimistes » concernant l’évolution du système de santé en France. Les facteurs majeurs de pessimisme sont de trois ordres : le constat de professionnels de santé en souffrance (61 %), la persistance des « déserts médicaux » (59 %), et des moyens financiers insuffisants alloués au système de santé (57 %). La meilleure prise en considération des patients (56 %), les innovations (51 %) et la pertinence des soins (48 %) sont considérées comme des évolutions génératrices d’optimisme.

Ainsi, les craintes des Français se portent massivement vers la fragilisation d’acteurs de santé, qui permettentaujourd’hui de maintenir un système de santé de qualité. Logiquement, les Français s’estiment en majorité (62 %) plutôt pessimistes sur la manière dont ils seront soignés à l’avenir.

Des moyens, de la proximité et de la liberté pour les acteurs de santé, et une hospitalisation privée reconnue

Pour remédier à cette fragilisation du système, les Français estiment en priorité (88 %) que les pouvoirs publics doivent « davantage soutenir les professionnels et les établissements de santé de tous statuts » dans leurs missions. Ils accordent beaucoup d’importance à la notion de proximité des lieux de soins (88 %). Ils pensent également qu’il faut donner davantage de « liberté d’action et d’initiative » à celles et ceux qui soignent sur le terrain (85 %).

Dans ce contexte, l’hospitalisation privée incarne une voie très légitime (67 %) pour la pérennité du système de santé et l’équilibre de l’offre de soin. À condition toutefois, de faire davantage de pédagogie sur les services offerts par le privé en matière d’offre de soin.

Une illustration : 34 % des Français ont entendu parler des services d’urgence privés. C’est 4 points de plus que l’an dernier. Un Français sur deux (49 %) considère que les services d’urgence privés sont plus chers que les services d’urgences publics : ils étaient 58 % l’an dernier. L’importance en 2019 de la couverture médiatique sur les urgences a sans doute contribué à mieux faire connaître les SU privés et à corriger certaines perceptions erronées, notamment sur la prise en charge financière.

Un sujet important pour les municipales !

Les Français ont également été interrogés sur la santé dans la perspective des élections municipales de 2020. 69 % des Français accorderont une importance particulière aux propositions des candidats de leur ville en matière de santé. Le sujet qui les intéresse en priorité est la présence d’établissements et de professionnels de santé de proximité (49 %). Viennent ensuite, la qualité de l’habitat et du cadre de vie (lutte contre le bruit, l’insalubrité) (38 %), et la lutte contre toutes les formes de pollution (pollution sonore, de l’air) (37 %).

François Miquet-Marty
Sarah Pinard

 

Lire l’intégralité de l’étude

 

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