Santé et interêt général

Observatoire de la pauvreté – Viavoice – Secours Catholique

La lutte contre la pauvreté en France
Un engagement plus important de l’Etat attendu et une responsabilisation des individus

En France, 14,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté selon les chiffres de l’INSEE. Autrement dit, près de 9 millions de personnes vivent avec moins de 1 100 euros par mois. Dans un contexte où la crise sanitaire a exacerbé les inégalités dans la capacité des uns et des autres à faire face à ces évènements, l’ambition de la seconde édition de l’Observatoire de la pauvreté Viavoice pour le Secours Catholique est de dresser un état des lieux de la perception des Français sur cet enjeu central. Quel regard portent les Français sur la pauvreté en France ? Que recouvre la pauvreté selon eux ? Comment évaluent-ils les aides actuelles et les actions de l’Etat ? Comment lutter contre la pauvreté et faire face aux défis de demain ?

Les résultats de l’Observatoire 2022 font état d’un double mouvement d’opinion : d’abord, l’installation depuis 2017 d’une opinion publique consciente et avertie des enjeux liés aux inégalités et à la pauvreté engageant l’Etat à amplifier les aides envers les plus précaires. En parallèle, nous observons des tendances qui font émerger une forme de « responsabilisation » des individus, comme si cette demande d’action plus forte de l’Etat allait de pair avec une exigence plus forte voire des contraintes sur l’individu.

La pauvreté en France : une situation partagée par la moitié de la population

La perception de la pauvreté par les Français révèle deux tendances frappantes :

Premier élément, la perception de la pauvreté par les Français est éclairée, puisqu’ils estiment qu’en moyenne une personne est pauvre en France lorsqu’elle dispose d’un revenu inférieur à 1 197 euros par mois, un chiffre aligné avec le seuil de pauvreté officiellement publié par l’INSEE.

Deuxième élément marquant,  la pauvreté n’est pas un sujet mineur dans la vie des Français, ou une préoccupation qui ne toucherait qu’une part réduite de la population.

  • D’abord 16 % de Français se considèrent pauvres aujourd’hui (une part de la population pratiquement en phase avec les chiffres publiés par l’INSEE). Un chiffre conséquent auquel il faut ajouter les 33 % de Français qui disent l’avoir été même si ce n’est plus le cas. Autrement dit, c’est près d’un Français sur deux (49 %) qui connait ou a connu personnellement la pauvreté.
  • La pauvreté est également une expérience à laquelle les Français ont été confrontés à travers leurs proches, 26 % d’entre eux témoignent de la situation actuelle de pauvreté d’un proche et 31 % disent avoir eu un ou plusieurs proches ayant connu la pauvreté.

Même si l’auto-positionnement des Français sur un axe « très favorisé – pas du tout favorisé » révèle une grande stabilité entre 2017 et 2022, la pauvreté constitue une inquiétude partagée. En effet, 58 % des Français disent avoir peur de tomber un jour dans la pauvreté. Une inquiétude qui concerne de manière plus attendue les employés et ouvriers et ceux qui ont déjà connu la pauvreté (68 %)  mais également les actifs les plus jeunes et 39 % des cadres…

La pauvreté en France : un enjeu de dignité pour tous

Pour les français la pauvreté est une question de moyens nécessaires pour vivre dans la dignité. Selon eux, un revenu qui permet de vivre dignement dans notre pays s’élèverait à au moins 1312 euros par mois pour une personne seule, soit un revenu légèrement supérieur à un SMIC net pour un temps plein (1269 euros). Notons que 36 % des Français considèrent même qu’un revenu supérieur à 1500 euros serait nécessaire pour vivre en France.

  • Au regard de ce constat, le montant du RSA est très loin d’être suffisant, 50 % des Français considèrent qu’il n’est pas assez élevé, fédérant les différentes catégories sociales et 86 % estiment qu’il ne permet pas de vivre dignement … Des scores d’une grande stabilité depuis 2017 qui témoignent du caractère bien installé de ces opinions ;
  • D’ailleurs, à rebours de l’idée d’une volonté de réduire les aides sociales, 40 % des Français considèrent qu’actuellement elles ne sont pas suffisantes (+ 3 points depuis 2017), seuls 21 % les estiment trop importantes et 30 % suffisantes.

De fait, l’opinion publique déplore de manière globale de trop nombreuses inégalités en France (79 %), les Français estiment que la lutte contre la pauvreté devrait constituer une grande cause nationale (72 %) au même titre que la lutte contre le chômage ou le réchauffement climatique alors qu’on ne parle pas assez de la pauvreté dans le débat public.

La lutte contre la pauvreté : un constat sévère sur l’action de l’Etat

Si la lutte contre la pauvreté devrait constituer un sujet majeur pour les pouvoirs publics, les Français se montrent très sévères sur l’action de l’Etat dont ils attendent un engagement plus fort en la matière au regard de ses prérogatives. En effet, pour les Français, la lutte contre la pauvreté constitue un pan de la protection des plus fragiles qui incombe d’abord aux pouvoirs publics.

  • A ce titre, 79 % considèrent que c’est à l’Etat que revient la responsabilité de lutter contre la pauvreté, 47 % aux collectivités locales.
  • Liée inévitablement aux enjeux de salaires et à leur revalorisation, lutter contre la pauvreté engage également les entreprises pour 37 % des Français.
  • Aspect conjoncturel ou revitalisation de la solidarité nationale, le rôle des citoyens dans la lutte contre la pauvreté n’est pas ignoré, 25 % des Français considèrent que c’est aux citoyens que revient la responsabilité de lutter contre la pauvreté en France (10 % citent même cet item en premier, juste après l’Etat).

Sur ces constats, des signaux faibles sont perceptibles concernant les rapports différenciés aux institutions : si la responsabilité de l’Etat fait plutôt consensus, ce sont surtout les tranches les plus âgées de la population qui attendent de l’engagement des pouvoirs publics, notamment des collectivités locales (57 % contre 47 %en moyenne). Les plus jeunes, quant à eux, voient la nécessaire action des associations (35 % contre 25 % en moyenne).

  • Sévères sur l’action des pouvoirs publics, 51 % des Français considèrent que l’Etat n’accorde passez de moyens dans cette lutte. Un chiffre qui nuance l’idée selon laquelle les Français déploreraient massivement un système favorisant l’assistanat. D’ailleurs, seul 15 % de la population estiment que l’Etat accorde trop de moyens à cet enjeu.

Ces constats interrogent surtout la capacité actuelle de l’Etat à répondre aux difficultés des plus pauvres, un sentiment amplifié par la crise sanitaire au regard des 61 % des Français connaissant la pauvreté

actuellement et qui déclarent avoir eu besoin d’une aide sans avoir pu en bénéficier.

La lutte contre la pauvreté : une nécessaire réinvention des actions de l’Etat pour faire face aux enjeux de demain

Face aux insuffisances des aides actuelles, Les Français attendent de nouvelles actions de la part de l’Etat :

  • Sur les enjeux climatiques d’abord, les Français sont conscients de la nécessité d’aider les plus démunis. Sur la question de la rénovation des logements, près de 9 Français sur 10 estiment que l’Etat doit aider les plus précaires dans la rénovation énergétique de leur logement, 8 sur 10 à faciliter l’accès à une alimentation de qualité. Sur cet enjeu d’alimentation, 45 % des Français jugent même que l’accès de tous à une alimentation de qualité doit être pour les pouvoirs publics un objectif prioritaire.
  • Concernant l’accès au logement, face à la nécessité largement partagée par les Français d’assurer à toutes les personnes à la rue l’accès rapide à un logement digne (85 %), la solution par un investissement plus important de l’Etat dans la construction et la réhabilitation de logements abordables pour les ménages les plus pauvres.
  • Sur le front de l’emploi également, les Français restent convaincus de l’utilité d’un rôle plus actif de l’Etat en matière de création d’emploi : 30 % seraient favorables à ce que l’Etat et les collectivités assurent tout simplement un emploi au chômeur de longue durée, ou pour 25 % à contribuer davantage financièrement pour l’emploi des chômeurs de longue durée en lien avec les entreprises et acteurs locaux. Sur cet enjeu de chômage de longue durée, les Français ne sont pas prêts à laisser le marché de l’emploi seul résoudre les problèmes.
  • Enfin, 52 % des Français adhèrent au principe d’un « revenu minimum » garanti dès 18 ans (c’est-à-dire une allocation permettant à tous les habitants en situation de pauvreté de disposer d’un niveau de revenu minimum pour vivre) au moins aligné sur le seuil de pauvreté (1100 euros). Une adhésion largement partagée dans les tranches les plus jeunes, mais qui ne fait pas l’unanimité auprès des plus âgés.
Par :
Stewart Chau
Adrien Broche
Thomas Genty

 

Publié le 17/03/2022

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