Politique

Baromètre politique Viavoice – Libération. Après les élections législatives. Juin 2022

Après les élections législatives

Une réorientation politique dans le brouillard

Les élections législatives : la « non campagne »

Une semaine après ce que certains qualifient de séisme politique, les Français, dont plus de la moitié ne sont pas allés voter, expriment aussi bien de l’amertume que de l’insatisfaction quant aux résultats des élections législatives.

  • 53 % d’entre eux estiment que ces élections leur laissent de l’amertume dont 21 % « beaucoup d’amertume et d’insatisfaction »

Ce n’est pas tant par les résultats, que chacun analysera sous un prisme différent, que les Français expliquent cette déception que par le contenu d’un débat politique très largement pointé du doigt :

  • Seuls 16 % des Français ont trouvé les débats de bonne qualité, seuls 38 % s’estiment avoir été bien informés par les médias et 30 % considèrent que les programmes ont été correctement présentés ;
  • Pire encore, les législatives auront été à l’image de la dernière élection présidentielle, 65 % des Français considèrent tout simplement qu’il n’y a pas eu de campagne, comme si ce temps du débat politique leur avait été une fois encore confisqué…

Sans surprise 47 % des Français ressentent de la déception au regard de cette séquence électorale, mais plus encore, elle génère pour la moitié des Français (55 %) de l’inquiétude.

Une « fin de règne » pour Macron aux conséquences qui inquiètent

Si ces élections ont peu mobilisé l’électorat, les résultats du scrutin législatif sont sans appel : ils sont l’expression d’une opposition à Emmanuel Macron qui dit beaucoup du contexte de sa réélection. Pour 60 % des Français, les résultats de ces élections illustrent principalement une opposition à Emmanuel Macron.

  • Une opposition à la figure présidentielle perçue plutôt positivement, 59 % estimant que ce nouveau rapport de force politique est une bonne chose, 22 % car ils attendent une réorientation politique, 37 % car il l’empêchera de faire passer certaines réformes.
  • De manière attendue, côté électeurs de la majorité, ces résultats sont surtout l’expression d’une radicalité de plus en plus forte de l’opinion publique, sans doute liée à la stratégie du « ni-ni » renvoyant les « extrêmes » dos à dos.

A travers l’opposition à l’idée d’un pouvoir « hégémonique » pour le Président réélu, c’est sans doute tout un pays qui rappelle que le dépassement des clivages ne saurait aujourd’hui entériner l’idée même d’un débat politique et idéologique pluraliste qui apparait vital et consubstantiel de la bonne santé démocratique du pays.

Mais au-delà de la contestation du pays envers le Président, les Français retiennent deux éléments qui disent beaucoup de cet état de santé démocratique du pays :

  • 66 % retiennent le taux d’abstention très haut, rappelant ainsi le divorce de plus en plus consommé entre les électeurs et nos élus ;

Constitutif du caractère totalement inédit du paysage politique actuel, 64 % des Français retiennent de ces élections la poussée du Rassemblement national et l’élection de ses 89 députés.

Le caractère divisé et subdivisé de l’Assemblé nationale renouvelée soulève l’enjeu de la stabilité politique que les Français n’ignorent pas :

  • A ce titre, 63 % d’entre eux se disent inquiets vis-à-vis de la capacité d’Emmanuel Macron à gouverner la France, 21 % en sont même « très inquiets ».

Une réorientation politique dans le brouillard …

Si les Français voient d’un bon œil ce nouveau rapport de force politique, ils considèrent très clairement qu’Emmanuel Macron doit changer de cap et de politique.

  • A ce titre, 72 % d’entre eux estiment que le Président ne sera pas en mesure d’appliquer son programme, seuls 17 % l’en pensent capable.
  • Un constat que concèdent également ses électeurs dont 63 % estiment qu’il ne pourra pas appliquer son programme.

Mais l’orientation politique qui s’en suivra reste encore une grande source d’interrogation.

  • En effet, si l’alliance des forces de gauche semble constituer la première opposition à Emmanuel Macron, seulement 35 % des Français estiment qu’il faut réorienter le programme et son action à gauche ;
  • Mise au second plan de la poussée symbolique du RN, Marine Le Pen forte de ses 89 députés reste pour les Français aujourd’hui la première opposante au Président, 44 % estiment que c’est bien le RN aujourd’hui qui incarne la principale opposition à Emmanuel Macron ;

D’ailleurs, pour les électeurs de Marine Le Pen, ces résultats ne sont pas simplement une opposition au Président mais bien les prémices d’un basculement politique historique et l’entrée dans un nouvel âge politique pour le parti de la finaliste de l’élection présidentielle.

De fait 24 % des Français estiment que c’est à droite qu’il faut aller, brouillant ainsi les pistes et amplifiant donc l’incertitude sur les compromis à négocier au sein de l’Assemblée et le « nouveau centre de gravité » qui animera les débats du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron.

On le voit déjà, chacun aura à cœur de responsabiliser chaque camp, renvoyant chacun à ses positions mais ces bisbilles politiques ne doivent pas faire perdre de vue l’essentiel. Car toute chose égale par ailleurs, au-delà d’un refus de donner les « pleins pouvoirs » à Emmanuel Macron, c’est l’absence même d’une vision et d’une proposition politiques claire, d’une voie à suivre que les Français déplorent avec radicalité.

Stewart Chau
Directeur des études politiques

Adrien Broche
Consultant opinion

 

 

Par :
Stewart Chau
Adrien Broche
François Miquet-Marty

 

Publié le 04/07/2022

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