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« Le problème du rassemblement de la gauche c’est que trois candidats peuvent faire un score important »

Quels sont les principaux enseignements du baromètre sur les rapports de force à gauche ?

La nouvelle donne à gauche s’appelle incontestablement Benoît Hamon. Alors qu’à la veille de la primaire, le candidat socialiste, non encore identifié, était perçu comme minoritaire à gauche et destiné à jouer la cinquième place, Hamon connaît aujourd’hui un relatif «état de grâce» comme l’avait d’ailleurs connu François Fillon en novembre dernier.

Dès lors, Benoît Hamon, et à travers lui le PS, revient dans le jeu à gauche : 51% des sympathisants de gauche l’ont jugé convaincant ces quinze derniers jours, devant Emmanuel Macron (42%) et Jean-Luc Mélenchon (39%).

Cela reste toutefois très insuffisant : compte tenu de ces trois candidatures majeures à gauche, le risque d’éparpillement est réel et aujourd’hui chacun de ces candidats doit parler au reste des électeurs, c’est-à-dire au-delà de la gauche, pour espérer être présent eu second tour. Emmanuel Macron y arrive assez bien, même si ses soutiens sont aujourd’hui très volatils et incertains. Benoît Hamon, en revanche, parle davantage aux partis de gauche pour construire une majorité. Si cela reste important pour gagner une légitimité au-delà du PS, il devra vite concrétiser ces discussions et faire attention à ne pas s’enfermer dans un jeu d’appareils.

Comment expliquer la progression de Benoît Hamon ?

Benoît Hamon connaît depuis deux semaines une forte hausse dans l’opinion publique avec un tiers des Français (33%) qui le considéreraient comme un bon président, contre à peine 12% début décembre. Ce n’est certes pas une intention de vote, mais le potentiel existe donc pour espérer être présent au second tour.

Ce phénomène est en réalité dû à la combinaison de trois facteurs : d’abord son programme qui – quoi qu’on en pense sur sa faisabilité ou sa philosophie – est résolument porté vers l’avenir et le progrès social, avec ses propositions sur l’écologie et le revenu universel notamment. Benoît Hamon évite ainsi d’être associée à une «vieille garde» recyclant les standards socialistes, des emplois jeunes à la réduction du temps de travail. Il réussit en ce sens à montrer un avenir désirable à des électeurs de gauche désorientés par le quinquennat.

Ensuite, sa victoire à la primaire contre l’ancien Premier ministre Manuel Valls a incontestablement boosté sa popularité et sa crédibilité en tant que candidat à l’Elysée. N’oublions pas que Benoît Hamon était peu identifié dans l’opinion publique il y a quelques mois, n’ayant pas occupé des ministères de première importance. Même son départ du gouvernement, en 2014, est perçu à l’époque comme se faisant dans l’ombre d’Arnaud Montebourg.

Enfin, le dernier facteur est lié aux précédents : Benoît Hamon ayant un programme de rénovation et une popularité nouvelle, il n’est en aucun cas associé au quinquennat et à François Hollande. D’ailleurs seuls 19% des Français considèrent qu’il incarne l’héritage politique de François Hollande, contre 28% pour Emmanuel Macron. En ce sens Benoît Hamon peut espérer incarner une certaine «rupture» comme avait su le faire Nicolas Sarkozy en 2007 face au quinquennat de Jacques Chirac qui se terminait.

La hausse de Macron est due à la baisse de Fillon ?

Oui et non, en réalité. Si Emmanuel Macron peut espérer séduire une partie du centre-droit désorienté par le «Penelope [Fillon] Gate» mais aussi le programme de François Fillon, notamment sur le plan économique, cela reste marginal et Emmanuel Macron connaît sa propre dynamique. Elle commence d’ailleurs avant l’élection de François Fillon à l’automne, se poursuit lorsque François Fillon est désigné candidat de la droite et continue aujourd’hui alors que François Fillon est fragilisé. Mais Emmanuel Macron a davantage progressé avant toutes ces affaires que depuis.

A terme, la fragilité du candidat LR peut même apparaître comme une difficulté pour lui : passé au statut de favori, les critiques risquent de se concentrer à son endroit, et l’image des électeurs changer. Challenger, Emmanuel Macron était un jeune leader sympathique qui dérangeait le jeu politique et apparaissait comme une alternative. Favori, les Français risquent de s’intéresser de plus près à son programme et à ses prises de position.

Enfin, le recul de François Fillon enlève à Emmanuel Macron un atout de poids : le fait d’apparaître, pour de nombreux électeurs de gauche, comme un «vote utile» pour ne pas avoir à choisir entre François Fillon et Marine Le Pen au second tour. A partir du moment où François Fillon est plus bas, et Benoît Hamon plus haut, de nombreux électeurs de gauche pourraient être tentés de revenir à la «vieille maison» socialiste. C’est d’ailleurs le calcul de la majorité des élus PS, qui ne sont pas partis en nombre chez Emmanuel Macron après la primaire, comme on aurait pu s’y attendre.

Les sympathisants de gauche militent pour un grand rassemblement : s’il ne se fait pas, est-ce que le second tour est possible pour Mélenchon ou Macron ?

En l’état actuel de recomposition de la vie politique française, et après le Brexit et l’élection de Donald Trump, personne ne peut réellement dire ce qui est possible ou non dans les prochains mois. Une majorité d’électeurs ne savent pas eux-mêmes pour qui ils voteront.

Le problème du rassemblement de la gauche est qu’elle comporte trois candidats pouvant faire un score important. A partir de là, chacun pense être le meilleur pour l’emporter.

Mais le seul à pouvoir rassembler, si ce n’est les électeurs, au moins les partis de gauche, c’est Benoît Hamon : le PS est derrière lui et il est le seul à pouvoir parler en même temps aux écologistes, aux communistes et aux radicaux. Si l’on pense, comme Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron, que les partis politiques ne sont plus que des poids morts, cela est peut-être inutile. Mais si l’on considère que les partis gardent un réseau d’élus et de militants indispensables à une campagne présidentielle, alors oui le rassemblement a du sens.

Lire l’ensemble de l’interview sur le site de Libération

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