Santé du futur : ne pas oublier l’humain derrière la technologie
Le progrès médical va continuer à s’accélérer dans les années à venir,non sans poser des questions éthiques essentielles pour demain
L’opinion publique comme les médecins estiment que le progrès médical va « s’accélérer » dans les années à venir, citant de nombreux espoirs liés à la recherche médicale ou aux nouvelles technologies (robotique, intelligence artificielle, objets connectés…), qui ouvrent des perspectives majeures pour mieux soigner, mieux prévenir, ou mieux guérir les maladies les plus graves.
Mais parallèlement à ces espoirs, des inquiétudes s’installent concernant l’impact des technologies, notamment sur l’évolution des relations entre médecins et patients, ou le risque de laisser de côté les moins préparés ou les plus fragiles.
Un progrès médical qui s’accélère, ouvrant de nombreuses voies d’espoir pour demain
Ainsi, il ne fait pas de doute que le progrès scientifique et technologique en matière de santé n’a jamais été aussi prometteur, et devrait même s’accélérer pour respectivement 70 % des Français et 69 % des médecins interrogés. Autre élément d’analyse essentiel : ce progrès ne leur semble pas lointain, ni dans le temps ni dans l’espoir d’en profiter eux-mêmes, puisque pour 63 % du grand public et 69 % des médecins ce progrès à venir sera bénéfique pour eux-mêmes comme pour leurs proches.
Or les espoirs actuels ne sont pas minces, compte tenu des perspectives majeures qui s’ouvrent à la médecine pour les années à venir.
Parmi les perceptions spontanées du grand public comme des médecins, les principaux progrès à venir sont d’abord scientifiques,c’est-à-dire directement liés à la recherche médicale (51 % des citations parmi le grand public, 62 % parmi les médecins). Y figurent en bonne place l’espoir de mieux soigner des maladies graves comme les cancers, Alzheimer ou le sida, en lien avec les importantes avancées de ces dernières années. Mais la recherche médicale pourrait aussi profiter au plus grand nombre, avec l’espoir de soins ou de médicaments qui seraient de manière générale (quelle que soit la pathologie) plus efficaces, moins lourds pour le patient, et atténuant davantage la douleur ou les effets secondaires.
Mais les progrès attendus sont également techniques (37 % du grand public et 28 % des médecins), avec une offre de soins améliorée par les nouvelles technologies : aide de la robotique pour les personnes dépendantes, impression 3D, intelligence artificielle ou nanotechnologies… Autant de domaines où les possibilités d’applications des technologies en matière de santé apparaissent vertigineuses, et encore à leurs balbutiements.
La « médecine prédictive » permise par les progrès de la génétique : un espoir plus qu’une menace
En particulier, les progrès de la génétique apparaissent comme un des principaux espoirs pour demain pour près des deux tiers du grand public (62 %) et des médecins (66 %).
Et l’idée d’une « médecine prédictive » qui permettrait grâce à la génétique de mieux prévoir l’apparition de certaines maladies » est une évolution qui fait espérer beaucoup plus qu’elle n’inquiète : 59 % du grand public et 53 % des médecins y voient une avancée positive, alors qu’ils ne sont que 19 % et 18 % seulement à déclarer à l’inverse qu’ils n’ont « pas envie de savoir à l’avance les maladiesqu’ils pourraient avoir dans les années à venir ».
Avec les outils numériques et technologiques, une relation entre patients et médecins à réinventer
En parallèle à cette vague de progrès attendus, des sources d’inquiétudes émergent toutefois. Et c’est sur ces points que l’on mesure le plus de disparités entre grand public et médecins :
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– Ainsi les médecins (47 %) sont davantage inquiétés par la numérisation de certaines données personnelles en matière de santé que le grand public (34 %). Ils sont d’ailleurs 66 % (contre 58 % des Français) à penser qu’avec le développement des nouvelles technologies « le secret médical sera plus difficile à faire respecter qu’avant ».
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– Mais surtout, c’est sur l’avenir de la relation patients – médecins que ces derniers se montrent les plus inquiets, puisqu’ils sont 52 % à penser que la proximité et la confiance entre médecins et patients risquent de se détériorer dans les années à venir, pointant notamment le risque de « distanciation » voire de « déshumanisation » de la médecine, mais aussi plus prosaïquement le développement croissant de l’automédication avec le développement des outils numériques ou de sites Internet permettant au patient de s’informer voire de se soigner par lui-même, ce qui en retour peut amoindrir la confiance envers les avis du médecin.
Enfin, certains Français mettent également en garde contre le risque d’un nouveau désert médical, cette fois-ci numérique, pour tous ceux qui n’ont pas accès – ou mal accès – à ces outils, que ce soit en raison de leurs coûts ou de leur complexité.
Autant d’inquiétudes à lever dans les années à venir, pour faire en sorte que le progrès scientifique ou technique résolve les problèmes de santé – des difficultés d’accès aux soins aux inégalités territoriales – plutôt qu’il ne les aggrave.
Aurélien Preud’homme
Sarah Pinard