Europe : l’actualité
d’un grand clivage économique
Les «grands événements» 2024 qui viennent seraient-il propices à un frémissement positif du moral économique ? Les élections européennes du 9 juin, puis les Jeux de Paris du 26 juillet au 11 août (dont les retombées sont espérées à 9 milliards d’euros), créent-ils une dynamique ?
Pour le moment, cette nouvelle livraison du «Baromètre des Décideurs» Viavoice pour BFM Business révèle au contraire une érosion du moral des Décideurs, et l’Europe nourrit des perceptions économiques singulièrement clivées entre les cadres et le grand public.
Moral économique : des grands événements 2024 sans effet d’entraînement économique pour le moment
Ni les JO, ni les élections européennes, ni a fortiori le «rebond» de croissance escompté pour 2025 (1,4 % de PIB) ne parviennent à créer de dynamique du moral économique (à la différence des campagnes présidentielles, qui peuvent en créer). En ce mois de mai 2024, le moral des cadres s’établit à -37, et accuse une chute de 3 points en deux mois pour atteindre son score le plus faible depuis mars 2023.
Si plusieurs indicateurs structurants de l’indice se révèlent globalement stabilisés, l’un d’entre eux accuse un net repli : la «motivation». Seuls 40 % des décideurs estiment que leurs collaborateurs sont «motivés», soit une baisse majeure de 8 points par rapport aux données enregistrées en septembre.
A cet égard, quatre registres de facteurs entrent en résonance :
- Les tensions géopolitiques (Russie, Chine, Israël) ;
- Les perspectives économiques de moyen terme : concurrence chinoise sur l’automobile électrique, déploiements de l’IA générative par les groupes américains ;
- Les difficultés de conjoncture : les prix des biens de l’énergie et des biens de consommation encore sur ces niveaux élevés (inflation à +2,2 % en glissement annuel fin avril), et les épreuves de groupes français (Groupe Casino, Atos) ;
- La période des «ponts» de mai.
Union européenne : confiance économique pour les cadres, défiance économique pour le grand public
Aux yeux des cadres, l’Union européenne est davantage perçue comme une chance en matière économique que comme une menace (49 % contre 29 %) ; en revanche auprès des Français en général, les proportions sont inversées (41 % «une menace» contre 34 % «une chance»).
Cette bipolarisation, historique pour l’Europe et déjà manifeste lors du traité de Maastricht (1992) ou lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen (2005), se révèle encore active aujourd’hui.
Elle explique que l’Europe, et la campagne européenne actuelle, ne constituent pas un levier d’espoir pour beaucoup ; elle éclaire aussi une partie de la structuration des électorats ; elle porte en partie atteinte au projet des «pères fondateurs» (1957), qui fondaient le futur de l’Europe sur le déploiement économique.
Ce point majeur appelle probablement pour l’avenir un réinvestissement en termes de visions et d’argumentaires : l’idée d’une conviction européenne pour le plus grand nombre.
Économie : les tentations d’une recomposition des régulations européennes
Pour l’avenir, une large part des décideurs et des Français aspirent à une recomposition des régulations européennes :
- Un plafonnement des prix de l’énergie, principale attente des cadres (57 %) comme du grand public (55 %) ;
- Une sortie du marché européen de l’électricité (respectivement 33 % et 34 %) ; institué en 1996, ce dernier est notamment accusé d’indexer les tarifs de l’électricité sur ceux du gaz ;
- Plaider pour une baisse des taux directeurs de la BCE (respectivement 31 % et 29 %).
Ces données sont particulièrement révélatrices : souvent, l’UE est perçue comme génératrice d’un excès de contraintes préjudiciables (marché européen de l’électricité, taux de la Banque centrale…). De quoi alimenter un véritable débat sur les orientations de politiques économiques pour l’avenir de l’Europe.
François Miquet-Marty et Adrien Broche, Viavoice