Politique

Baromètre politique Viavoice – Libération. La rentrée sociale et situation de la gauche. Août 2022

Face à l’anticipation d’une rentrée sociale tendue, un nouveau champ politique jugé encore fragile

Alors que la question sociale a fait son grand retour au début de l’année en cours et que l’enjeu du pouvoir d’achat a structuré la campagne présidentielle, le gouvernement a pris soin de ne pas paraitre hors-sujet et en décalage avec l’opinion. C’est ainsi que le projet de loi « Pouvoir d’achat », premier pack de mesures destinées à répondre aux préoccupations financières des Français, a fini, non sans mal, par être adopté. Coup-double : il a été la première réelle occasion pour la majorité – non absolue – et les oppositions de se donner la réplique dans cette Assemblée nationale fraîchement renouvelée.

Et pourtant, cette nouvelle livraison du Baromètre Viavoice – Libération révèle, de façon massive, l’ampleur d’une question sociale que ces mesures récentes ne parviennent pas à épuiser, loin s’en faut ; et, en regard de ces préoccupations, la perception d’un champ politique certes renouvelé mais encore jugé fragile.

L’anticipation des turbulences sociales

Concernant les priorités d’action, et en ligne avec les constats formulés depuis plusieurs mois, la question sociale est sur toutes les lèvres :

  • Le pouvoir d’achat s’affirme plus que jamais comme la première des priorités aux yeux des Français, près de 3 sur 4 (73 %) estimant qu’il est l’axe sur lequel le gouvernement et le parlement doivent agir en cette rentrée ;
  • La santé reste un sujet prioritaire pour 55 % des Français,
  • Enfin, la sécurité, l’écologie et l’emploi ferment le podium et sont désignés comme sujets prioritaires d’action par plus de 40 % de la population française.

C’est donc un peloton structuré par les enjeux sociaux ou plus généralement par les enjeux sur lesquels la puissance publique est attendue : justice sociale, ordre public et transition écologique sont les axes autour duquel une proposition politique doit être formulée pour répondre aux préoccupations des Français.

Ces préoccupations s’accompagnent d’une anticipation claire de perturbations sociales au sein de l’opinion : 68 % de la population française craignent en effet une rentrée agitée, sous le signe de mouvements sociaux d’ampleur.

La perception des Français est à ce titre évocatrice, seuls 5 % d’entre eux considérant que le gouvernement prend tout à fait suffisamment la mesure de leurs difficultés économiques alors qu’à l’inverse, une large majorité (62 %) le considèrent trop éloigné de ces enjeux vitaux. 37 % des Français considèrent d’ailleurs que le second quinquennat d’Emmanuel Macron sera marqué par davantage de mouvements sociaux que ne le fut son premier mandat.

Une majorité sous pression mais une opposition encore insuffisamment à la hauteur

Si 40 % des Français affirment regretter le manque d’ouverture d’une majorité encore trop hermétique aux propositions venues de l’opposition, 28 % déplorent également l’attitude de cette dernière, trop peu constructive.

De manière plus générale, les enseignements de l’étude Viavoice pour Libération soulignent une crédibilité à construire pour l’opposition de gauche incarnée par l’intergroupe « NUPES » à l’Assemblée nationale. En effet, alors que les préoccupations prioritaires sont trustées par les problématiques sociales, la NUPES peine à s’imposer comme l’acteur mécaniquement le plus à même d’apporter aux Français les réponses qu’ils peuvent attendre. En témoigne l’enjeu du pouvoir d’achat, exemple le plus parlant pour illustrer ce constat : la NUPES ne parvient pas à se démarquer de la majorité présidentielle en termes de crédibilité d’action à ce sujet, seuls 16 % des Français les pensant dans les deux cas légitimes contre 19 % pour le Rassemblement national.

S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions des attitudes adoptées par les différentes oppositions à l’Assemblée nationale, celles-ci devront composer avec ces enseignements pour les discussions futures, d’autant que la moitié de la population française (49 %) ne voit pas la NUPES comme première force d’opposition à l’exécutif.

En ligne avec ces enseignements, 40 % des Français considèrent que la coalition de gauche à l’Assemblée nationale ne permettra pas à la gauche de peser davantage dans les années qui viennent.

La situation de la gauche : une coalition encore teintée de doutes

Les racines des doutes exprimés par les Français quant à la capacité de la coalition NUPES à s’affirmer comme principale opposition sont probablement à chercher dans la construction même de cette alliance, comme symbole de la crise idéologique et politique que traverse la gauche depuis maintenant des années.

En effet, seul ¼ des Français (24 %) considèrent qu’il y a davantage d’idées et de valeurs qui rassemblent les différentes composantes de la NUPES que d’idées et de valeurs qui les séparent. Pire encore, plus de la moitié de la population française (51 %) considère que des dissensions internes à la coalition la feront exploser dans les années qui viennent, score

Idéologiquement, la gauche peine également à s’imposer comme une force politique en capacité de répondre aux enjeux : sur les 5 priorités identifiées par les Français, la coalition NUPES n’est considérée comme prioritairement légitime que sur la transition écologique et inaudible sur la sécurité. Sans briller pour autant, la majorité Ensemble limite quant à elle les dégâts en assurant un socle stable de légitimité autour de 15 % sur les différents enjeux.

C’est donc à un travail d’ampleur que les Français en appellent pour la NUPES, un travail de cohésion politique qui ne pourra passer que par une unité idéologique maximale sur les sujets fondamentaux qui animeront la vie politique pour ces cinq prochaines années. Au risque de s’enfermer dans le rôle d’une opposition devant faire ses preuves pour accéder aux responsabilités.

    Adrien Broche
    Consultant opinion

     

     

    Par :
    Stewart Chau
    Adrien Broche
    François Miquet-Marty

     

    Publié le 23/08/2022

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