Les élections européennes et la guerre en Ukraine
L’opinion face aux élections européennes
Dans un contexte d’anxiété et de méconnaissance générales, l’expression d’un intérêt amplifiable.
Perceptions et attentes envers l’Union européenne
- Aux yeux de deux Français sur trois (64 %), l’économie européenne se dégradera dans les mois qui viennent. Ils sont même plus d’un tiers à estimer qu’elle se « dégradera nettement » (35 %). 14 % des Français anticipent une stagnation, c’est 6 points de plus qu’il y a deux ans.
- S’agissant de la place de l’Union européenne sur la scène internationale, les anticipations sont pessimistes : 55 % des Français estiment que cette place se dégradera dans les mois à venir, c’est 11 points de plus qu’il y a deux ans, alors que la guerre en Ukraine venait de se déclencher.
De quoi y lire la déception d’une Union européenne qui n’a pas « tiré profit » de la situation internationale de ces derniers mois et de ces deux dernières années pour asseoir sa place.
- En conséquence, les perceptions de l’UE sont recentrées sur les enjeux techniques : c’est d’abord sur l’innovation qu’elle est considérée comme une force aux yeux de 62 % de l’opinion, 5 points de plus qu’en 2022. Elle demeure une force pour « la paix en Europe et dans le monde » pour plus de la moitié de la population (54 %), même si un tiers est de l’avis contraire (31 %). La capacité de l’UE à assurer la sécurité des peuples est également moins perçue qu’il y a deux ans (45 %, – 5 points), de même que pour affronter les défis économiques (37 %, – 4 points) : près d’un Français sur deux considère même que l’UE est une faiblesse pour leur faire face (47 %).
- En ligne avec ces éléments, le premier critère d’identité et de raison d’existence de l’Union européenne reste sa capacité à « préserver la paix et à promouvoir des valeurs », aux yeux d’un Français sur quatre (25 %).
Les élections européennes : connaissance, intérêt et incarnation
- S’agissant des élections européennes, la France se révèle coupée en deux : si une moitié déclare être intéressée par le scrutin (49 %), l’autre assure ne pas l’être (48 %). Un intérêt qui varie selon l’âge : il est de 47 % chez les 18-24 ans contre 60 % chez les 65 ans et plus, public toujours surreprésenté parmi les investis et les mobilisés.
- En tête des enjeux estimés prioritaires : l’économie, qui l’est pour la moitié de la population française (49 %). L’immigration suit avec 44 % de Français qui estiment ce sujet prioritaire, enjeu de polarisation : c’est l’enjeu le plus « cité en premier » de tous ceux proposés (19 %).
Le sentiment d’information fait apparaître un clivage net : les deux-tiers des Français ne s’estiment « pas informés » sur les élections européennes (66 %) contre un tiers estimant l’inverse (30 %).
A noter, s’agissant des segments « extrêmes », la proportion de Français se déclarant « pas du tout informés » (21 %) est plus de trois fois supérieure à celle se déclarant très bien informée (6 %).
- Pourtant les proportions de l’opinion déclarant connaître la date de l’élection et le mode de scrutin s’élèvent à 66 % et 65 %. Attention toutefois : seul un Français sur trois déclare être « sûr » de la date et du mode de scrutin (34 % et 32 %). S’agissant de points plus pointus (le contenu des programmes et le nombre de listes en présence) les choses se compliquent : seuls 9 % et 8 % des Français sont certains de les connaitre. Un enseignement attendu alors que certains programmes n’ont pas encore été dévoilés.
- De manière générale, le niveau réel d’information sur l’Union européenne est moins réjouissant : aucune des informations testées ne recueille une majorité de « bonne réponse ». Interrogés de manière plus précise sur le mode de scrutin, les Français se montrent moins bien informés qu’ils ne le pensent : si 65 % déclaraient l’être, ils ne sont que 46 % à savoir que les députés européens sont élus à la proportionnelle et seulement 40 % à savoir que le scrutin n’est composé que d’un tour. Enfin, une confusion institutionnelle d’ampleur : près de la moitié de l’opinion croit que les élections européennes « permettent d’élire les membres de la Commission européenne »
- Concernant les têtes de liste : 62 % des Français déclarent connaître celle du Rassemblement national, loin devant le cas de la France insoumise, du Parti socialiste et de Renaissance (43 % , 41 % et 40 %). La notoriété de Jordan Bardella joue en la faveur de la liste RN dont 39 % déclarent même être certains de savoir qu’il conduit la liste en question.
- Un sentiment de connaissance qui s’appuie sur une forte identification de la tête de liste : le niveau de connaissance des personnalités révèle une prime aux droites radicales. 73 % des Français voient « bien de qui il s’agit » concernant Jordan Bardella et la proportion est la même s’agissant de Marion Maréchal.
Distante, l’opinion en appelle néanmoins à une campagne et des débats : un Français sur deux regrette qu’il soit trop souvent dit que « tout était joué d’avance » (51 %). A un mois du scrutin, seul un quart de la population française estime que les candidats ont « parlé des sujets qui les intéressent vraiment » et 21 % qu’il y a eu suffisamment de débats sur le fond entre les candidats. De quoi espérer une fin de campagne plus active et stimulante.
Le Parlement européen et les eurodéputés : rôle et bilan
- Le rôle du parlement européen est relativement méconnu : seul un Français sur deux déclare savoir qu’il est « composé de députés européens » et un quart (26 %) ne se prononcent pas. Un niveau faible de connaissance chez les 18-24 ans (32 %), deux fois plus élevé chez les séniors (65 ans et plus). Son actualité est lointaine : huit Français sur dix déclarent ne pas en être au courant (79 %) mais la demande de plus d’information est largement majoritaire dans l’opinion (65 %).
- En ligne avec un faible niveau de connaissances, le bilan de la mandature européenne est largement inconnu : seuls 21 % déclarent être capables de citer une mesure phare votée par le Parlement ces cinq dernières années. Un constat transgénérationnel qui révèle même un léger avantage aux plus jeunes électeurs (25 % chez les 18-24 ans) face aux plus âgés (21 % chez les 65 ans et plus). Les enjeux d’intervention les plus identifiés sont largement associés aux crises : la guerre en Ukraine (36 %), la lutte contre le Covid-19 (33 %) et l’agriculture (33 %) sont cités en premier. La culture, considérée comme enfant pauvre de l’UE, est dernière de la liste (5 %).
- Considérés comme lointains, les députés européens ne sont, de manière attendue, pas gratifiés d’honnêteté, seul un quart de la population les considérant comme tel (24 %). A noter néanmoins, une surreprésentation de confiance dans leur honnêteté parmi les plus jeunes (18-24 ans) et les électeurs d’Emmanuel Macron (44 %). Ils sont considérés par plus de la moitié des Français comme « trop payés », constat sur lequel un quart préfère ne pas se prononcer (25 %). En cohérence, 79 % de l’opinion s’estime favorable à la création d’une organisation de contrôle et de sanction concernant la corruption des parlementaires européens.
La guerre en Ukraine : le rôle de l’UE et l’avenir du conflit
S’agissant du conflit entre l’Ukraine et la Russie, l’étude réalisée par Viavoice révèle une opinion particulièrement divisée :
- 29 % des sondés estiment que la France soutient trop l’Ukraine sur le plan militaire. Une position partagée par 29 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 47 % de ceux de Marine Le Pen ;
- 40 % estiment que la France la soutient « suffisamment » ;
- 16 % regrettent un soutien trop timide.
De quoi y lire des divisions à deux niveaux :
- Entre une partie de la France qui en appellent à davantage de soutien (16 %) et une partie, deux fois plus importante, mécontente d’un appui jugé trop important (29 %)
- Entre une France satisfaite de l’aide apportée (40 %) et une qui appelle à un changement de cap (16 + 29 = 45 %).
Un clivage qui recouvre celui de l’unité constatée : 39 % estiment que les pays de l’Union européenne ont été jusqu’ici unis dans le soutien à l’Ukraine quand 40 % constatent l’inverse.
- L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne divise les Français : si 42 % y sont défavorables, 41 % se déclarent en sa faveur. Une position particulièrement forte chez les plus jeunes (46 %) et les plus âgés (46 %), ainsi que chez les électeurs de Yannick Jadot et d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle.
- Enfin, un climat d’instabilité internationale qui favorise l’anxiété ambiante : 48 % des Français estiment « probable » une attaque d’un pays membre de l’OTAN par la Russie, crainte transpartisane. Le risque d’une « troisième guerre mondiale » divise : redoutée par un Français sur deux (49 %), elle est considérée comme peu probable par 39 % des Français..
Adrien Broche, Responsable des études politiques
Lola Lusteau, Chargée d’études sénior