Économie et entreprises

Observatoire des changements de vie Viavoice – BPCE Assurances. 1ère édition.

Les Français face aux changements de vie
Des changements “dans la vie” davantage que des changements “de vie”

Pour sa première édition, le nouveau baromètre des changements de vie Viavoice – BPCE Assurances dresse un panorama inédit et passionnant du rapport entretenu par les Français à la question du risque et des changements dans leurs vies. Alors que les années de pandémie et l’expérience des confinements ont marqué en profondeur la manière de vivre au quotidien, ont fait évoluer le rapport des sociétés à la liberté et alors que le « monde d’après » qui a occupé les discussions des mois durant peine à émerger, qu’en est-il réellement dans l’opinion ? L’évolution du monde et les bouleversements que nous connaissons collectivement participent-ils d’une envie de changements d’ampleur, et si oui à quels niveaux, sous quels aspects ? Ont-ils au contraire montré nos vulnérabilités individuelles et collectives et encouragé ainsi un retour à des zones de confort et de sécurité ?

Des changements de vie et dans la vie souhaités par une large majorité de Français

Premier enseignement de cette première édition du baromètre Viavoice – BPCE Assurances sur les changements de vie, les Français aspirent, dans leur très large majorité, à changer des choses dans leur vie.

  • 86 % des Français déclarent ainsi avoir envie de changer des choses dans leur vie, dont 35 % souhaitent même changer « beaucoup de choses » dans leur vie.
  • Concernant les domaines concernés par ces velléités de changements, ce sont d’abord concernant leurs loisirs que les Français veulent les appliquer : 52 % de ceux qui souhaitent changer des choses dans leur vie aimeraient ainsi consacrer plus de temps à leurs loisirs ou en découvrir des différents. C’est la question du rythme de vie qui se pose également, en lien avec celle du temps consacré aux loisirs, 37 % des aspirants à des changements le souhaitent ainsi concernant leur rythme de vie. Dans une société de l’instant où tout apparaît et disparaît vite, ralentir le rythme, prendre davantage de temps s’imposent comme des enjeux centraux. C’est enfin au niveau de leur logement (36 %) que les Français projettent ces changements.

Davantage ancrés dans la réalité du quotidien que dans l’utopie de bouleversements de vie, la concrétisation de ces changements divise les Français entre ceux qui les estiment réalisables et ceux pour qui ces changements semblent peu probables :

  • 53 % des Français qui souhaitent des changements dans leur vie les considèrent réalisables, les plus jeunes étant les plus optimistes à ce niveau (64 % chez 18-24 ans et 66 % chez les 25-39 ans). L’opinion considère ainsi majoritairement qu’il est possible d’agir et de changer les choses : des marges de manœuvre et d’action existent ainsi.
  • 40 % des Français aspirant au changement considèrent en revanche que ces changements sont « peu réalisables », principalement pour des raisons économiques et financières (60 %), puis pour des raisons personnelles, de vie de famille (30 %). La dimension matérielle, notamment celle du pouvoir d’achat, prend ici une résonnance particulière, avec une difficulté notable à se projeter de manière positive sur l’avenir économique.

Premier « espace de changement » : les lieux de vie

Le caractère inédit des deux années que nous venons de connaître a massivement impacté le rapport des Français à leurs lieux de vie de manière générale, qu’il s’agisse de leur logement ou de leur zone de vie géographique.

  • 1 Français sur 2 a ainsi vu ses perceptions changer ces deux dernières années concernant son logement actuel (50 %) ou son lieu d’habitation (49 %). Ces changements de perceptions se partagent entre du positif et du négatif (31 % contre 19 % pour le logement et 27 % contre 22 % pour le lieu d’habitation).

Ces évolutions dans les manières de percevoir ses lieux de vie s’avèrent donc plus positives que négatives, et la ventilation régionale présente un intérêt particulier, les Français vivant en Nouvelle-Aquitaine se sont rendu comptes des aspects positifs de leur lieux d’habitation contrairement aux habitants de la région parisienne.

Ces nouvelles perceptions suscitent mécaniquement des aspirations de changement intérieur largement partagées dans l’opinion : 80 %  des Français dont les perceptions du logement ont évolué souhaitent effectuer des changements dans leur logement, avec d’une part des Français qui ont déjà entrepris des travaux et d’autre part des Français qui hésitent et ne savent pas encore comment faire…

  • 50 % de ces Français qui ont vu leur manière de percevoir leur logement changer ont ainsi déjà mis en place des changements ou réaménagements de leur intérieur ;
  • Néanmoins, 30 % souhaiteraient le faire mais ne peuvent pas, voyant ainsi leurs aspirations ne pouvant pas être concrétisées.

Changer son lieu de vie c’est aussi changer d’environnement de vie. Chiffre frappant de l’étude : 48 % des Français envisagent en effet de déménager (25 % de logement et 18 % de lieu) divisant ainsi la population française en deux, l’autre moitié n’en déclarant pas l’envie ou la possibilité. Et parmi ces Français en aspiration de bouleversement, il existe une division concernant la probabilité d’accomplissement de ces changements :

  • 66 % estiment ces projets probables, indicateur qui souligne l’ancrage dans la réalité de ces projections ;
  • Pour le dernier tiers de la population, ces aspirations relèvent encore de l’utopie du changement (33 %).

Deuxième « espace du changement »  les mobilités : des bouleversements encore minés de freins

Concernant la mobilité des Français, l’Observatoire révèle plusieurs constats passionnants. D’abord, ces chiffres rappellent que la voiture personnelle reste le principal moyen de transport utilisé par les Français : 3 sur 4 l’utilisent en effet pour se déplacer au quotidien, loin devant la marche à pied (47 %) et les transports en commun (26 %).

Deux caractéristiques s’avèrent ici essentielles pour constater des différences de pratiques : générationnelle et géographique.

L’utilisation de la voiture personnelle concerne en effet d’abord les générations les plus avancées en âge (87 % contre 76 % en moyenne) et les Français vivant en communes rurales ou de faible densité (85 % en ruralité et 88 % pour les villes 2000 à 19 999 habitants) là où les pratiques de la marche à pied et les transports en commun se voient surreprésentées parmi les plus jeunes et les habitants de villes de 100.000 habitants et plus. Ces chiffres rappelant ainsi la nécessité d’insister sur la diversité des expériences au quotidien lorsque l’on évoque les « bouleversements » attendus en termes de mobilité.

Dès lors, les résultats du baromètre pointent, en ligne avec ces constats et les impacts générationnel et géographique, des difficultés subsistantes qui freinent les évolutions à ce niveau :

  • Seul un quart de la population française souhaite changer des choses concernant sa mobilité au quotidien et, parmi ces 25 % de la population, seuls 14 % parviennent aujourd’hui à identifier comment y parvenir quand 11 % souhaitent passer à l’acte mais se heurtent à un déficit informationnel.
  • Pour ceux qui ont envie de changer la manière de se déplacer, prime aux mobilités douces qui concentrent les ambitions de changement, notamment au travers de la marche à pied (33 %) et du vélo (32 %).

Principal frein identifié, c’est une fois encore la dimension matérielle, incarnée par l’enjeu du pouvoir d’achat (43 %) et des aides incitatives de l’Etat (28 %), qui s’avère déterminante. Elle est à ce titre à la fois l’obstacle principal et donc le levier le plus évident pour favoriser le passage à l’acte, mais les enjeux d’information et de sensibilisation ne sont pas en reste.

Troisième « espace du changement », la santé : une individualisation du sentiment de protection

Premier enseignement s’agissant du rapport qu’entretiennent les Français à la santé, un sentiment général de protection qui rassure pour l’avenir : 88 % et 87 % des Français ont le sentiment d’être protégé ainsi que leurs proches en cas de problèmes de santé. Seuls 30 % en ont néanmoins « tout à fait » le sentiment.

Ce sentiment de protection n’est néanmoins pas prioritairement attribué à la figure de l’Etat, comme un symbole de désindexation de l’enjeu « santé-solidarité » vis-à-vis de l’acteur garant de l’intérêt général. Pourtant marqueur fort de l’identité républicaine et incarnation du principe de solidarité nationale, l’enjeu de la santé souffre ainsi d’un déficit de confiance probablement entraîné par la découverte de vulnérabilités révélées par la crise sanitaire.

  • C’est, en effet, d’abord aux mutuelles et complémentaires de santé que les Français font confiance (66 %) pour les protéger en cas de problèmes de santé, soit près de 20 points de plus que l’Etat (47 %), a peine plus haut que la famille (44 %).
  • Plus encore, et c’est un résultat marquant, les Français sont très divisée sur la capacité de l’Etat aujourd’hui à les protéger pour leur santé : seuls 47 % des Français ont le sentiment de pouvoir compter sur l’Etat pour les protéger en cas de problèmes de santé et 45 %, soit près d’un Français sur deux, déclare qu’il faut d’abord compter sur soi-même.

Ces enseignements pointent les failles d’un contrat social articulé autour de la solidarité nationale qui peine à faire encore office de pilier, symbole d’une archipellisation qui individualise les parcours de vie.

Même si des distinctions doivent être notées, les plus jeunes (18-24 ans) reconnaissant davantage l’Etat comme un acteur de confiance sur qui il est possible de compter en cas de problèmes de santé (60 % contre 47 %). Probablement en situation de précarité qui mine également la projection sur la solidarité nationale, les ouvriers/employés se montrent en revanche plus méfiants que la moyenne envers la capacité de l’Etat à répondre présent en cas de problèmes de santé, la moitié d’entre eux considérant qu’on doit d’abord compter sur soi-même (contre 45 % en moyenne).

Conséquence directe de ces vulnérabilités perçues, plus de la moitié de la population française (52 %) se dit inquiète pour l’avenir de sa santé. Si seuls 12 % se déclarent « très inquiet », ce constat est le témoignage d’une société qui doute, d’abord en raison de l’impact négatif de l’environnement sur la santé (35 %) mais aussi du manque de sentiment de protection (33 %).

En dépit de doutes profonds, l’opinion déclare majoritairement qu’on vit en France plus longtemps et en bonne santé (69 %) ainsi qu’avec une bonne qualité de vie (65 %), consciente d’une situation en France qui demeure relativement épargnée de crises du système de santé, même touchée par le vieillissement de la population qui rend les enjeux de dépendance et d’autonomie importants à ses yeux.

Quatrième « espace du changement », l’argent et la consommation : un constat de fractures sociétales

Interrogés sur le rapport qu’ils entretiennent à l’argent et à la consommation, les Français se montrent divisés :

  • 58 % se placent dans une zone de satisfaction, puisqu’ils ne souhaiteraient ni plus ni moins changer leur consommation ;
  • Un quart de la population souhaiterait cependant moins consommer, entrouvrant la porte vers davantage de sobriété. Les cadres (38 % contre 25 %) s’y montrent particulièrement sensibles alors que les catégories sociales inférieures souhaiterait davantage consommer (18 % contre 12 %).

S’agissant non plus de la quantité de consommation mais de sa qualité :

  • La moitié de la population estime avoir déjà entamé des efforts de consommation pour avoir un impact moins négatif sur l’environnement ;
  • 20 % des Français pourraient le faire mais ne le font pas, ce qui pose sans doute la question du niveau de sensibilisation d’un profil de citoyens qui se sent pourtant accompagné et informé ;
  • Un quart de la population déclare enfin ne pas pouvoir modifier la qualité de sa consommation, d’abord pour des raisons financières (61 %) mais aussi d’information (29 %), les catégories les moins diplômées de la population (aucun diplôme / bac ou moins) se montrant surreprésentées.

Aussi, face aux aléas d’un avenir incertain, et dans une société française qui doute dans un contexte de crise systémique, les projections concernant les pratiques d’épargne s’avèrent prudentes et particulièrement frappantes :

  • 20 % de la population souhaite épargner davantage et 55 % ne rien changer à ses pratiques d’épargne à l’avenir, l’opinion se déclarant consciente des risques de temps difficiles (61 %) dont la crise actuelle du pouvoir d’achat et l’inflation témoignent déjà, mais aussi soucieuse, comme vu précédemment, d’investir pour des loisirs (43 %).
  • A noter que les plus jeunes générations, prudentes face à l’avenir incertain qui leur est promis, se déclarent plus prompte à épargner davantage que la moyenne nationale (44 % contre 20 %).

Enfin, sur l’enjeu de l’épargne la question de l’« épargne verte » demeure lointaine, les Français lui préférant sécurité (41 %) et rentabilité (30 %) et reléguant la question climatique en second plan.

Les Français et les « changements » : dans des temps instables, la préférence pour la prudence

La période est davantage celle de la prudence dans un monde instable qui laisse la place à un plaidoyer pour la sécurité :

  • 64 % des Français abondent dans le sens de l’affirmation suivante : « Dans la vie, il vaut mieux être prudent, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver » ;
  • Seul un tiers (30 %) se montre davantage prompt à valoriser le risque, notamment chez les plus jeunes (43 % chez les 18-24 ans) et les cadres (39 %).

Ce socle rassemble les Français ouverts au risque, aspirants à la prise de risque : 27 % des Français considèrent ne pas prendre assez de risques quand 45 % de la population n’en prend pas et 24 % assure en prendre suffisamment. Mais plus qu’une volonté individuelle ou une apologie à la prudence, ces perceptions sont surtout le résultat d’une grammaire sociétale qui n’encourage pas au risque et également d’une inégalité d’accompagnement et de protection face à ces risques :

  • 58 % des Français ont le sentiment de vivre dans une société qui encourage à ne pas prendre de risques ;
  • Seuls 6 Français sur 10 déclare se sentir accompagné face aux risque les plus probables pour eux, et seuls 8 % assurent l’être « tout à fait ». Cette appréhension apparaît socialement marquée, les catégories les moins favorisées (ouvriers/employés) se montrant particulièrement sous-accompagnés à ce sujet (36 % contre 30 % en moyenne.

 

Stewart Chau (Directeur des études politiques)
Adrien Broche (Consultant)

Par :

Stewart Chau
Adrien Broche
Annaëlle Carré–de Bonnechose

 

Publié le 30/06/2022

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